Monologue dans la chambre bleue

Des poésies comme des collages écrites et interprétées par Lia Rochas-Pàris dans le cadre de l’exposition de Zeitlos Zimmer en 2023.

Lecture à la librairie Delpire le 1er décembre 2023 à l’occasion de la sortie de la cassette audio.

FACE A

Une constellation

Des volcans en ébullition

Des paysages foisonnants

Des roches brutes

Des lieux menaçants

Des serpents qui s’enroulent

Des végétaux hors sols

Des fossiles sans âge

 

Des corps en mouvement

Des corps figés

Des corps amputés

Des bouts de corps

 

Des seins

Des mains

Des pieds

Des fesses

Des murmures

Des cris

Des échos

Des silences

Des toiles se tissent

Une constellation.

Insomnie

Au delà de l’aube

au plus profond des os

quand les heures glissent

 et le souffle se hisse

les sols et les las

dévoilent les échos.

Grosse fatigue

Des flots de mots affables

bannissent la raison

au profit de fables

qui me laissent lasse. 

Temps mort

Le vertige  m’assaille

mes pensées s’engloutissent

dans l’oubli

mes entrailles tentent  

un cri

sourd et interdit.

 

Le pistil d’une pensée

Entre ses lèvres

charnues et gonflées

par les sulfites ingurgités

se faufile le pistil d’une pensée

fugace et exalté

prémices d’un bâillement

la fente luit

aux commissures

la salive trahit 

ce qui la hante.

 

Au verso

L’envers des collages

Images sacrifiées

Papiers scarifiés

Par les lames d’un scalpel aiguisé

Ou de ciseaux affutés

 

La colle cicatrise

Le scotch colmate

Des strates se forment

Des formes se superposent

Face au recto

Le regard innocent

Ignore les parties dissimulées

Le regard averti devine ou soupçonne

La face cachée du verso.

 

FACE B

Faille fertile

Dans le creux d’une faille

une féconde fissure

l’esprit s’évanouit

trouve sa voie obscure

Les ténèbres de la terre

cachent une blessure

les racines s’entrelacent

dans un espace fécond

où chaque bribe de vie 

trouve sa raison.

Les paupières closes

À l’ombre du jour

les paupières closes

fébrile

la femme ose

sa main  glisse et effleure

la soie de sa peau                   

entre ses cuisses

l’index et l’annulaire

se faufilent

raides 

tendus

entre la fente luisante

de cyprine                                             

en osmose

elle jouit. 

Womb

Le long des lombes

les souvenirs 

s’agrippent

se hissent

la mémoire du corps

succombe

aux archétypes perdus  

dans la matrice.

Entendez-vous la poussière danser ?

Dans un rayon de lumière tamisée

virevolte  des atomes de poussières

en un cortège désordonné 

firmament de particules insaisissables

florilège de bribes éphémères

une chorégraphie chemine

entre ombre et lumière

le silence règne 

l’air est léger.

Les fossiles pour le futur

Formes momifiées

roches estampillées

vestiges gravés

créatures antiques

transposées en statues

Simulacre d’un passé supposé

Les fossiles pour le futur

démasquent des secrets

Empreintes dans la pierre

l’argile

l’asphalte

ossements muets

traces surannées

strates du temps

Stigmates d’un présent anticipé

Les fossiles pour le futur

invoquent des ères révolues

Témoins de vies oubliées

de mondes perdus

chaque strate est un chapitre

une page de mémoire

aux reliefs imperceptibles

en braille tactile

Et donnent à voir

Les fossiles pour le futur

qui chuchotent en miroir.

Rhéa sinon rien

Si Rhea n’avait pas eu de bras

elle aurait porté son fardeau

ses entrailles

sur le dos

Cronos aurait sans doute

décimé sa lignée

l’histoire aurait été tout autre

Le temps à l’arrêt

nous ne serions pas là

à tergiverser.

La petite mort

L’automate se contorsionne

en proie à une cadence cyclique

semblable à la flexion

d’un ressort automatique

Vas-et-vient indolents

L’automate murmure

des psaumes aériens

saisie par des spasmes

alcaïques

Vas-et-vient insolents

Les orteils se contractent

à l’abandon

l’automate abdique.